CRITIQUE. LE ROI LION en tout beau, tout propre
Je viens de regarder Le Roi lion (The Lion King, Jon Favreau, 2019), et je l’ai trouvé très étonnamment satisfaisant. Je ne reviendrai pas sur le scénario de cette histoire qui est restée tout à fait la même. Au contraire, mon intérêt a été éveillé par les variations de dialogue par rapport au dessin animé d’origine. Bien que le film soit extrêmement fidèle au chef-d’œuvre d’origine — évitant ainsi de prendre le risque de se vautrer —, il se permet des clins d’œil aux détails de la trame d’origine, rappelant la tradition comique antique, de Plaute et de Térence, où il s’agissait d’étonner le public pour le faire rire, sur une histoire qu’il connaissait déjà par cœur. Ainsi, Pumbaa va, pour la première fois depuis 25 ans, pouvoir finir sa phrase « everytime that I… »1 « …fart »2, car il n’est plus interrompu par Timon, à sa grande surprise que partagent, complices, les spectateurs. Les images montrant Pumbaa enfant forment par ailleurs une scène juteuse inédite pour les fans du film — mais nous y reviendrons.
N’ignorons pas the elephant in the room : les images sont photographiques — générées par ordinateur, certes, mais photographiques néanmoins. Il va sans dire que j’étais ultra sceptique à cette idée, et que comme beaucoup d’autres je pense, je m’étais braqué à l’idée que Scar ne soit plus orange et n’ait plus les yeux verts. J’aurais voulu que ces fan edits soient les vraies images. Mais comment dire cela… j’avais tort. Ces nouvelles images sont réalistes, et pour avoir voyagé en Afrique — notamment en Tanzanie — et avoir vu réellement ces animaux : j’y crois ! J’ai vu dans ce film la réalité — et la beauté — de la savane africaine, et je ne peux me permettre de cracher une once de critique négative à cet égard, tant mes yeux se sont régalés. Il est vrai que le fait que ces animaux parlent peut faire sortir de l’effet réaliste, mais enfin la scène d’ouverture reste une magnificence technique — et évidemment musicale, mais là rien n’a changé. Revenons à Scar : son nouveau look ne dégrade en rien sa prestance. Sa couleur de poil plus terne et sa crinière mal brossée sont des éléments réalistes suffisants à lui donner la place du mauvais frère. Tout ce qu’on déplore dans sa fable est la médiocrité de la séquence de « Soyez prêtes », nous frappant quant à la réalité des limites de ce nouveau genre — cinématographique ? — : l’irreprésentabilité de la grandeur, de la folie et du pouvoir d’abstraction, permis au dessin animé.
Du reste, cette version de 2019 (1h58) propose près de 30 minutes de film de plus que la version de 1994 (1h29). Cette différence s’explique par des séquences sûrement allongées par le réalisme, mais également par des ajouts, que je juge justes. Une scène magnifique — quoique tirée par la crinière — est celle où l’on suit une touffe de poil de lion emportée par le vent, la rivière, et tous les éléments de la savane. Si la pertinence et l’intérêt sont discutables dans cette minute de film, l’agréabilité d’ouvrir ses yeux aux délices et merveilles de ce voyage en plein ciel au pays… *en Afrique ; est indiscutable. Et sans plus d’arguments, j’établis qu’on est fans du « bœuf » du phacochère sur The Lion Sleeps Tonight, et qu’on est aussi subjugués par la référence à La Belle et la Bête (Beauty And The Beast, Gary Trousdale & Kirk Wise, 1991) faite par Timon quand ce dernier, présentant Pumbaa, s’adresse aux hyènes : « Mes chères mesdemoiselles, it is with deepest pride and greatest pleasure, that we proudly present : your dinner »3.
En conclusion, je ne prétends pas pour autant que Le Roi lion (2019) est un chef-d’œuvre inévitable du 7ème art, mais pour ceux ayant aimé le dessin animé, et peut-être maîtrisent bien ses séquences et chansons, alors ce film vous vaudra deux heures de joie, efficacement mais sans grande nouveauté — très certainement le parti pris conservateur de la production. Il pourrait également plaire aux amateurs de la mégafaune africaine. Cependant, sans l’intérêt pour la trame, je crois qu’il vaudrait mieux se diriger vers des documentaires animaliers, ou bien cette vidéo sur la Tanzanie — avec les musiques du Roi Lion !
Joachim Laurent
1 « à chaque fois que je… » — Pumbaa, Le Roi Lion (1994)
2 « …pète » — Pumbaa, Le Roi Lion (2019)
3 « c’est avec une profonde fierté et un immense plaisir que je viens vous présenter votre dîner » — Timon, Le Roi Lion (2019)
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